jeudi 25 septembre 2008

Maitrise de l'affaire

Lorsque des rectifications sont opérérees par l'administration fiscale, celle-ci doit apportere la preuve de l'apréhension eventuelle de flux par des personnes.
S'appuyant sur l'arsenal législatif des articles 109.1.1 , 109.1.2, 111 a à c, 111 e et de la menace 117 du CGI elle cherchera à imposer le bénéficiaire final du flux distrait du patrimoine professionnel de l'entreprise.

Il est un cas ou cette preuve ne doit pas être apportée, c'est lorsque le bénéficiaire supposé est "maitre de l'affaire". Un présomption irréfragable de distribution vient alors conforter la démonstration des services fiscaux.

Notion de maitrise de l'affaire
A défaut de définition légale, la définition jurisprudentielle de la " maîtrise de l’affaire " a évolué dans le temps (Voir conclusions du commissaire du gouvernement dans l’affaire Simmat (CAA Lyon 30 décembre 2004 n° 98-2247, min. c/ Simmat - RJF 6/05 n° 557)

Deux lignes jurisprudentielles peuvent ainsi être dégagées.

1.Une conception large
Celle-ci fait appel, en tenant compte du caractère non probant de la comptabilité, à la notion annexe de confusion des patrimoines, ce qui permet de déduire de l’enrichissement du dirigeant l’existence de recettes dissimulées.
Deux types de cas peuvent être envisagés :
D’une part, celui de l’enrichissement personnel du dirigeant d’une société qui permet, dès lors qu’il y a une comptabilité non probante, de prouver l’existence de recettes dissimulées,
D’autre part, le cas inverse, à savoir les recettes dissimulées, qui permettent de les considérer comme des revenus distribués au dirigeant.
Initialement, le maître de l’affaire était la personne qui détenait, à elle seule ou avec quelques personnes, la quasi-totalité du capital, le Conseil d’Etat considérant qu’en raison de la séparation existant entre le patrimoine d’une société et celui de son gérant, seule l’existence de " circonstances précises et concordantes tirées du fonctionnement même de l’entreprise " pouvait conduire à estimer que l’enrichissement du gérant révélait l’existence de recettes dissimulées.
Pratiquement, il fallait d’abord que la comptabilité de la société soit dépourvue de valeur probante et ensuite que le dirigeant puisse être regardé comme le véritable maître de l’affaire, c’est-à-dire que seul ou avec les membres de sa famille, il détienne la quasi-totalité du capital social pour que l’identité d’intérêts puisse naturellement conduire à une confusion des patrimoines.
En effet, dans le langage courant, le maître de l’affaire est celui qui détient directement ou indirectement la majorité du capital d’une société. Dans cette conception civiliste, le maître n’est autre que le propriétaire direct, c’est-à-dire celui qui peut librement disposer du bien qu’il maîtrise. Or, le simple fait d’être associé ou actionnaire majoritaire ne donne pas pour autant la possibilité de disposer à sa guise des biens de la société dont on est le principal associé ou actionnaire.
Suite à des décisions du Conseil d’Etat de 1985, le maître de l’affaire est alors devenu " celui qui dispose des biens de la société dont il est actionnaire ou associé majoritaire, comme s’il s’agissait de ses biens propres, en sorte que l’existence de la société s’accompagne d’une confusion des patrimoines " (exemples : recettes sociales directement inscrites au compte courant du principal associé ou actionnaire ; prise systématique en charge par la société de frais personnels du principal associé ou actionnaire).
La jurisprudence écarte ainsi " une conception trop exclusivement arithmétique de la notion de maître de l’affaire " (la détention du capital) pour la retenir seulement comme un des paramètres en y ajoutant l’attitude du dirigeant qu’il faudra établir et selon laquelle il confond les patrimoines privé et professionnel.

2. Une conception étroite
L’appréciation de la notion de maître de l’affaire est également utilisée en matière de revenus distribués pour permettre à l’administration d’apporter la preuve de l’appréhension des distributions par le bénéficiaire.
Dans ce cas, et du fait même de la distribution, la confusion des patrimoines n’est pas en cause.
Par exemple, un contribuable qui détient 30 % des parts d’une SARL, en est le gérant de fait et a la signature sociale et une procuration bancaire doit être regardé comme le véritable maître de l’affaire et, par suite, doit être regardé comme ayant appréhendé les distributions occultes correspondant au rehaussement des bénéfices de cette société.
Cette conception fait de la notion de maîtrise de l’affaire un critère déterminant de l’appréhension par le dirigeant ou associé des revenus réputés distribués en s’attachant à rechercher la détention d’une part prépondérante dans le capital social et à identifier des circonstances précises et concordantes tirées du fonctionnement même de l’entreprise.
è Synthèse
A partir de la règle de la séparation entre le patrimoine du dirigeant et le patrimoine de la société, la maîtrise de l’affaire - dans sa conception la plus large - suppose la confusion des patrimoines pour passer de l’enrichissement inexpliqué du premier aux recettes dissimulées de la seconde, alors qu’il suffit que le dirigeant ait la maîtrise de l’affaire - dans sa conception la plus étroite - pour que les recettes dissimulées de la société soient regardées comme distribuées au dirigeant.



3. Motivation légale par l'article 109.1.1 ou 109.1.2

article 109.1.1 (associé au 47 de l'annexe II)
" Sont considérés comme revenus distribués tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ;… "
L'article établit un présomption de distribution, opposable à la société mais non aux associés.
Le bénéfice rehaussé est distribué et appréhendé au cours de l’exercice où il a été réalisé.

L’administration doit établir que les revenus distribués ont effectivement été mis à disposition du bénéficiaire.
Ceci suppose :
- soit que des éléments précis et concordants soient réunis par le service établissant cette mise à disposition,
- soit que le service puisse établir que le bénéficiaire est "maître de l'affaire".

A défaut de connaître le bénéficiaire de la distribution ou de disposer d'éléments suffisants pour établir l'appréhension, la société doit être interrogée sur l'identité des bénéficiaires des distributions suivant la procédure visée à l'article 117 du CGI.

Article 109.1.2
" Sont considérés comme revenus distribués toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ".

Cet article n'établit pas de présomption de distribution. La preuve de l’appréhension par les associés reste à la charge de l'administration , sauf si elle démonstre qu'un associé est maitre de l'affaire.




L'article 109.1.1 a été retenu dans les cas suivants :
a. L’administration prouve que les bénéfices sociaux redressés ont été appréhendés par le principal porteur de parts, en montrant que l’intéressé est le seul maître de l’affaire et peut disposer sans contrôle des fonds sociaux (CE 20 octobre 1982, n° 23942 ; RJF 12/82 n° 1122).
Circonstances de l’affaire : le patrimoine de la société est confondu avec celui du contribuable dès lors que ladite société et l’entreprise individuelle du contribuable disposent d’un seul et même compte bancaire ouvert au nom de la société ; le contribuable, gérant de la société, détient 171 parts sur les 200 constituant le capital social ; au cours de la période vérifiée, il n’a pas réuni une seule fois les associés en assemblée.

b. Preuve apportée de l’existence de recettes dissimulées et de l’appréhension par l’intéressé, seul maître de l’affaire (CE 29 avril 1985, n° 6029 ; RJF 6/85, n° 872).
Circonstances de l’affaire : comptabilité irrégulière et dépourvue de caractère probant ; le contribuable, qui exerçait les fonctions de PDG de la SA, détenait 2900 des 3000 actions de la société. Ainsi, il était le seul maître de l’affaire et pouvait disposer sans contrôle des fonds sociaux.

Si la désignation, en application de l’article 117 du CGI, par une association passible de l’IS, de sa vice présidente comme bénéficiaire des bénéfices imposés et réputés distribués ne suffit pas à établir l’appréhension par l’intéressée des distributions, l’administration en apporte la preuve en établissant que la vice-présidente était le véritable maître de l’association et disposait des pouvoirs les plus étendus pour opérer toutes opérations sur les fonds (CE 20 juillet 1988, n° 7041 ; RJF 10/88 n° 1101).

c. Est regardé comme le bénéficiaire des sommes distribuées correspondant aux recettes que la société a dissimulées, le directeur salarié qui apparaît comme le seul et véritable maître de l’affaire, compte tenu du montant de sa rémunération par rapport à celle du gérant statutaire, de ses pouvoirs quant à la marche de la société, et de l’absence de participation des porteurs de parts à la direction effective de la société (CE 6 février 1995, n° 68383, PELLERIN ; RJF n° 5/95 n° 606).
Circonstances de l’affaire : le contribuable percevait, comme directeur salarié de la société, une rémunération plus de deux fois supérieure à celle de son épouse, gérant statutaire ; il disposait de la signature sociale et d’une procuration bancaire ; il faisait prendre en charge par la société une partie de ses dépenses personnelles et se comportait, de manière générale, comme le seul et véritable maître de l’affaire, son épouse et les deux membres de sa famille qui étaient les porteurs de parts " officiels " de la société ne participant pas à la direction effective de cette dernière.

d. Le contribuable, détenteur de 30% des parts de la SARL, avait continué à disposer, alors qu’il n’était plus salarié, de la signature sociale et d’une procuration bancaire, alors que le gérant de droit résidait à l’étranger, est considéré comme le seul et véritable maître de l’affaire. Gérant de fait, il est ainsi réputé avoir appréhendé les distributions occultes correspondant au rehaussement des bénéfices de la SARL (CE 8 juin 2001, n° 219872, MAILLARD ; RJF 10/01 n° 1235).

e. L’administration apporte la preuve qui lui incombe lorsqu’elle établit que les deux associés gérants de sociétés civiles immobilières, détenteurs à eux deux de la totalité du capital, sont les seuls maîtres des affaires de ces sociétés, et à ce titre, doivent être regardés comme ayant effectivement appréhendé chacun la moitié des bénéfices distribués réintégrés dans leurs bases d’imposition (CAA Nancy 20 décembre 2001, ULLIAC et MELIN ; RJF 5/02 n° 514).

f. le TA de Bastia a jugé que l’administration avait pu qualifier M. et Mme F, au regard de la société, de maîtres de l’affaire et les regarder, en l’absence de mise en œuvre de l’article 117, comme bénéficiaires des sommes qualifiées de revenus distribués par la société J. F. dès lors que :
Mme F disposait statutairement des pouvoirs les plus étendus pour la gestion de la société, dont elle était gérante non salarié ;
M. F, détenteur de 33 % du capital social, possédait une délégation de signature sur les comptes bancaires de la société et en a fait usage pendant la période vérifiée, notamment pour payer les salaires du personnel ;
Deux des comptes ouverts au nom de M. F étaient exclusivement utilisés pour les besoins du fonctionnement de l’entreprise;
Inversement, des dépenses personnelles de M. et Mme F ont été réglées par la société ;
Il existait ainsi une confusion entre le patrimoine de la société J. F. et leur propre patrimoine.

Motivation légale par l'article 109.1.2
Les recettes dissimulées provenant de ventes sans factures, dont il n’est pas établi qu’elles soient restées investies dans l’entreprise ou qu’elles aient servi à régler des dépenses sociales, constituent des revenus distribués imposables sur le fondement de l’article 109, 1-2° du CGI entre les mains du couple de dirigeants associés, dès lors que l’administration démontre que les intéressés, respectivement président-directeur général et directrice générale et détenteurs avec leur fils de plus de 90 % du capital social (M. et Mme 60 %, leur fils 33 %), ont nécessairement appréhendé ces sommes en leur qualité de maîtres de l’affaire (CAA Lyon 30 décembre 2004 n° 98-2247, min. c/ Simmat ; RJF 6/05 n° 557).